Le Conseil d’État consacre l’existence d’un délai de recours raisonnable - en principe d'un an - pour contester la légalité d’une décision administrative.
Le Conseil d’État a eu à traiter le problème suivant :
Le destinataire d'une décision administrative individuelle, qui a eu
connaissance de celle-ci bien qu'elle ne lui ait pas été
régulièrement notifiée avec la mention des délais et des voies de
recours conformément aux dispositions de l’article R. 421-5 du
code de justice administrative, peut-il se voir opposer :
- un principe général selon lequel l'action en contestation de la légalité de cette décision devant le juge administratif est prescrite par cinq ans ? Si un tel principe est dégagé, quelles sont les modalités de son application dans le temps ?
- ou un principe général selon lequel il dispose, pour former un recours juridictionnel contre cette décision, d'un délai raisonnable à l'issue duquel son action sera irrecevable comme tardive ? Si un tel principe est dégagé, quelle est normalement la durée de ce délai raisonnable ? Et quelles sont les modalités de son application dans le temps ?
En l'occurrence, il s'agissait d'un arrêté de pension dont l'intéressé a découvert plus de 22 ans après sa notification qu'il était illégal car il ne lui accordait pas le bénéfice de la bonification pour enfants. Le délai de deux mois ne pouvait être opposé que si la notification comportait
les voies et délais de recours, ce qui n’était pas le cas puisque
la notification, qui avait été faite en 1991, précisait bien les délais de
recours, mais avait omis de préciser quelle juridiction était
compétente.
Par un arrêt d'Assemblée du 13 juillet 2016, M. A. B., n° 387763 la Haute juridiction a statué ainsi :
S’appuyant sur le principe de sécurité juridique qu’il avait reconnu dans sa décision KPMG (CE Ass., 24 mars 2006, Société KPMG et a., n°288460, A),
le Conseil d’État juge que ce principe implique que ne puissent être
remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par
l'effet du temps. Ainsi, ce principe fait obstacle à ce que puisse être
contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a
été notifiée à son destinataire, ou dont il a eu connaissance de manière
certaine.
Le Conseil d’État estime donc que, bien que les délais
prévus par le Code de justice administrative ne puissent être opposés en
l’absence de preuve que les voies et délais de recours ont été
notifiés, un recours juridictionnel ne peut être exercé par le
destinataire de la décision au-delà d'un délai raisonnable.
Le
Conseil d’État estime que ce délai est, en règle générale et sauf
circonstances particulières, d’un an à compter de la date à laquelle une
décision expresse a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi
que l’intéressé en a eu connaissance.
L'arrêt précise encore que " la règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le
temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des
voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du
droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà
d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations
juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les
défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs ".
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